Le médecin du travail a établi un avis d’aptitude ou d’inaptitude ou des préconisations afin d’aménager le poste de travail d'un salarié. Vous envisagez de contester cet avis ?
Faisons le point sur la procédure de contestation de l’avis du médecin du travail.
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Quel est l’objet du recours contre l’avis du médecin du travail ?
Conformément aux dispositions de l’article L. 4624-7 du code du travail, depuis le 1er janvier 2018, l'objet de la contestation n'est plus limité aux « éléments de nature médicale » justifiant l'avis du médecin du travail, mais porte sur « les avis, propositions, conclusions écrites ou indications émis par le médecin du travail reposant sur des éléments de nature médicale ».
Dans ce cadre, il est possible de contester les avis d’aptitude (art. L. 4624-2 du code du travail), avis d’inaptitude (article L. 4624-4 du code du travail) et les propositions de mesures individuelles d’aménagement, d’adaptation ou de transformation du poste de travail ou de mesures d’aménagement du temps de travail justifiées par des considérations relatives notamment à l'âge ou à l'état de santé physique et mental du travailleur (art. L. 4624-3 du code du travail).
2. Quels sont les éléments susceptibles d’être contestés concernant l’avis du médecin du travail ?
La contestation de l’avis du médecin du travail se fait devant le conseil de prud’hommes, lequel examine l’ensemble des éléments sur lesquels le médecin du travail s’est fondé pour rendre son avis. Il peut également ordonner des mesures d’instruction.
La décision du conseil de prud’hommes se substitue à l’avis du médecin du travail.
Dans un avis du 17 mars 2021 (n° 21-70.002), la Cour de cassation a considéré que dans le cadre de cette procédure :
le conseil de prud'hommes saisi d’une contestation n’est pas compétent pour connaître de l'irrespect, par le médecin du travail, des procédures et diligences prescrites par le code du travail (vices de procédure). La contestation porte uniquement sur l’avis rendu par le médecin du travail.
le conseil de prud'hommes n’est pas compétent pour prononcer la nullité ou l'inopposabilité, des avis, propositions, conclusions écrites ou indications émis par le médecin du travail. Le juge prud'homal peut seulement substituer son avis à celui du médecin du travail.
Sont également exclues de ce type de recours les contestations sans lien avec l’état de santé du salarié, l’origine professionnelle de l’inaptitude et le non-respect par l’employeur des préconisations du médecin du travail.
La jurisprudence a également considéré que :
l’argument du salarié selon lequel la dispense de recherche de reclassement préconisée par le médecin du travail qui indique dans son avis d'inaptitude physique que « tout maintien du salarié dans un emploi serait préjudiciable à sa santé induirait » nécessairement que l'inaptitude serait d'origine professionnelle, ne permet pas de recourir à l’expertise, étant précisé que le médecin du travail n'est pas compétent pour reconnaître le caractère professionnel d'une maladie ou d'un accident (Cour d’appel de Douai, 30 novembre 2018, arrêt n° 18/01691)
le recours à une mesure d’instruction est accepté dès lors que l'inaptitude physique relevée par le médecin du travail est particulièrement suspecte et paraît en réalité s'inscrire dans une démarche de rétorsion orchestrée par le salarié à la suite du refus de l'employeur d'accéder à sa demande de rupture conventionnelle (Cour d’appel de Pau, 29 novembre 2018, arrêt n° 18/01721)
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3. Quel est le délai pour contester l’avis du médecin du travail ?
Le conseil de prud’hommes doit être saisi dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l’avis du médecin du travail (article R. 4624-45 du code du travail).
Les modalités de contestation et le délai de 15 jours doivent être mentionnés sur les avis et mesures émis par le médecin du travail (art R.4624-45 du code du travail).
Le défaut de la mention du délai pourrait le rendre inopposable.
La Cour de cassation considère que le point de délai du délai de 15 jours est fixé à la date de notification à l’employeur et au salarié de l’avis du médecin du travail (Cour de cassation, chambre sociale. 2 juin 2021, arrêt n° 19-24.061).
La Cour de cassation considère également que la notification se fait par lettre recommandée avec accusé de réception ou remise en main propre contre récépissé (Cour de cassation. chambre sociale. 2 mars 2022, arrêt n° 20-21.715) ou envoi électronique si ce moyen permet d’attester la date de sa remise à l’employeur et au salarié.
4. Quelle est la procédure pour contester l’avis du médecin du travail ?
La contestation de l’avis du médecin du travail devant le conseil de prud’hommes se fait selon la procédure accélérée au fond (art L.4624-7 du code du travail).
En principe, la procédure comporte deux étapes :
une première audience à l'issue de laquelle le conseil de prud’hommes (CPH) peut, au vu des éléments du dossier, ordonner une mesure d'instruction :
Le conseil de prud'hommes (CPH) confie toute mesure d'instruction au médecin inspecteur du travail territorialement compétent pour l'éclairer sur les questions de fait relevant de sa compétence (les éléments de nature médicale). Celui-ci, peut, le cas échéant, s'adjoindre le concours de tiers (article L. 4624-7 du code du travail)
La première ordonnance se contente d'ordonner une mesure d'instruction avant dire droit. Le conseil de prud'hommes définit la mission d'expertise sous forme de questions de nature médicale.
Le médecin inspecteur du travail est désigné en qualité d’expert. L’expert est lié par ces questions et il y répond dans le respect des règles déontologiques prévues par le Code de la santé publique et du secret médical.
L’expert (le médecin inspecteur du travail) dirige et organise les opérations. Il se fait remettre les pièces médicales contenues dans le dossier médical santé au travail tenu par le médecin du travail, avec l'accord du salarié. Le salarié peut s'opposer à cette communication, mais il aura l’obligation de passer l'examen médical par l’expert (le médecin inspecteur du travail).
La mesure d’expertise n’est pas obligatoire.
En effet, le juge prud'homal peut, sans dénaturer les considérations médicales ni les constats factuels qui lui sont soumis, apprécier l'avis d'inaptitude physique litigieux sans recourir à une mesure d'instruction, et décider que celui-ci a été rendu après une analyse patiente, vérifiable, non sérieusement contestable sur un plan médical propre à fonder une décision d'inaptitude définitive. La décision ayant jugé valable l'avis médical d'inaptitude physique du salarié doit dès lors être confirmée (Cour d’appel Toulouse, 30 novembre 2018, arrêt n° 18/02634).
une deuxième audience après le dépôt du rapport d’expertise. La seconde ordonnance tranche le litige au fond.
La décision du conseil de prud'hommes (CPH) se substitue aux avis, propositions, conclusions écrites ou indications contestés (articles L. 4624-7 et suivants du code du travail)
Elle doit donc (comme l'avis médical initial du médecin du travail) uniquement préciser si le poste est compatible avec l'état de santé du salarié, si des aménagements doivent, le cas échéant, y être apportés ou si le salarié est inapte à l'occuper.
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La contestation est exercée par l’employeur ou par le salarié, étant précisé que le médecin du travail n’est pas partie au litige.
L’employeur doit informer le médecin du travail du recours devant le conseil de prud’hommes (CPH), même si celui-ci est à l’initiative du salarié (articles L. 4624-7 et suivants du code du travail).
L’information du médecin du travail doit intervenir rapidement à compter de la sine du conseil de prud’hommes (CPH) pour ne pas être considérée comme irrégulière.
Même si aucun texte ne le prévoit, il est conseillé à la partie qui conteste l’avis du médecin du travail d’en informer l’autre, notamment dans l’hypothèse où l’employeur engagerait une procédure de licenciement pour inaptitude.
La saisine du conseil de prud'hommes ne suspend pas le caractère exécutoire de l'avis du médecin du travail.
L’employeur doit donc respecter les aménagements ou adaptations du poste du salarié. Il peut également engager la procédure de licenciement si le salarié est déclaré inapte. Toutefois, si le juge décide de ne pas reconnaître l’inaptitude physique, le licenciement est privé de cause réelle et sérieuse.
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En cas de contestation d’un avis du médecin du travail, vous pouvez contacter le cabinet Primo Avocats qui vous conseillera sur les démarches à effectuer pour faire valoir vos droits.
Nous étudierons ensemble votre dossier ainsi que les recours possibles.
Le département droit social est dirigé par Maître Annie ETIENNE, inscrite au barreau de Paris depuis 2015. Maître Annie ETIENNE est titulaire d’un Master en droit et pratique des relations du travail.
Maître Annie ETIENNE
Avocate associée - département droit social
- par email: contact@primo-avocats.fr
- par téléphone: 01 89 16 54 74
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